Oser crier, oser entendre
Dans la communication, il n'y a que 20% qui passent par la parole et 80% qui passent par notre comportement, notre langage corporel. Notre corps parle et celui qui me fait face le ressent, et peut se sentir mal à l'aise quand le discours ne correspond pas à ce que dit le corps.
Il peut y avoir décalage entre les deux discours …
Lecture de Néhémie 5
Quelques remarques préalables
1. Au chapitre 4, Jérusalem est sur le point d'être attaquée (Ne 4,1-3)
2. Au chapitre 6, les battants des portes ne sont pas encore posés (Ne 6,1s)
3. Au verset 16, les murs sont construits.
Lisons ce texte, dans la Bible du semeur.
Quelques réactions
1. Les plaintes sont adressées à des Juifs, de la part de Juifs. L'oppression est interne à la communauté. L'ennemi n'est pas extérieur.
2. Néhémie se met dans une violente colère (v6). Sentiment.
3. Lui, le gouverneur entend les plaintes alors que les nobles n'ont jamais voulu l'entendre.
4. Néhémie prend un risque : Parler contre les nobles, les puissants, contre ceux qui lui assurent son autorité et son pouvoir.
5. Crainte de Dieu pour gouverner (v17) (2 Sam 23,3 : Il gouverne les hommes selon la justice, celui qui gouverne dans la crainte de Dieu.)
6. Dans notre texte, la motivation, tant pour la construction que pour régler le problème social est la même :
Honte
La honte, que nous voyons au v 9 qui est à prendre ici comme un sentiment d'humiliation lorsque l'on a conscience d'une faute
Affliction
Chagrin, douleur intense (Ne 2,17 Je leur dis alors: «Vous voyez le malheur dans lequel nous sommes, parce que Jérusalem est dévastée et que ses portes sont incendiées. Allons rebâtir la muraille de Jérusalem et ne soyons plus une honte!»)
Avec ce texte, nous assistons à la restauration de Juda, tant d'un point de vue physique, la communauté est délimitée par des mûrs (construits en 5,16 au passé) que du point de vue moral, avec une commandement, une direction selon la crainte de Dieu.
Si l'on trouve une motivation dans la honte et l'affliction, le contexte littéraire de notre passage joue lui aussi un rôle important.
On peut considérer que Néhémie 5 est insérer au beau milieu d'un autre récit, celui de la reconstruction de la muraille de Jérusalem.
Au verset 4, les ennemis sont sur le point d'attaquer Jérusalem et il est d'une extrême urgence de terminer la fortification de la ville. Tout le monde travaille l'épée à la ceinture.
Au beau milieu de cette effervescence, Néhémie convoque une assemblée générale pour traiter d'un problème qui pourrait sembler mineur, alors que la vie de la population entière est en jeu.
Il est évident qu'il s'agit d'un effet littéraire voulu par l'auteur qui insert ce texte ici, faisant de l'ensemble, l'histoire de la restauration de Juda.
1. Reconstruction des mûrs
2. Réformes sociales
D'ailleurs si nous regardons au verset 16 nous voyons que les murs sont reconstruits, alors qu'au chapitre suivant, les portes ne sont pas encore en place.
Entendre
Le peuple (hommes et femmes) se plaint, crie contre leurs frères qui les oppriment.
Néhémie les entend.
Il stoppe la reconstruction des murs pour répondre à un besoin plus pressant encore que la sécurité de la communauté.
Dit autrement, si la fraternité n'est pas au fondement même de la communauté, les murs ne serviront à rien. Ce n'est pas le bâtiment, les murailles en l'occurrence, qui forment la communauté, mais l'entraide, la fraternité, le respect de l'autre.
On peut vivre en communauté sans vouloir entendre les plaintes et les souffrances de ceux qui sont à nos côtés.
Ce texte nous appelle premièrement à entendre.
Mais pour entendre, encore faut-il quelqu'un qui parle.
· Osez crier
· Osez entendre
Il est possible de rester des années avec un fardeau "trop petit" pour intéresser qui que ce soit.
Puis, un jour, ce fardeau devient trop lourd et risque de devenir source de rupture.
"Tu te rends compte, ça fait des années que j'ai cette difficulté et jamais personne n'a fait quoi que ce soit pour moi …"
Est-ce que j'ose crier ?
Est-ce que j'ose dire ce qui me charge ?
Quelle est ma pierre à la construction ?
Un cri contre un frère ou une sœur ? (risque de fissure)
Un remerciement ?
Un encouragement ?
Mais si je ne les apporte pas aux autres, si je n'ose pas dire "Merci" ou "je t'encourage dans ce que tu fais, ça me fait du bien", n'est-ce pas aussi un risque de voir l'autre se décourager ? Un autre risque de fissure
On peut aussi aider l'autre à porter sa pierre
Ou aider quelqu'un à se débarrasser d'une pierre qui le blesse dans sa vie (Caillou dans la chaussure).
Dans l'Eglise il peut se passer des choses fantastiques, mais parfois aussi des choses atroces.
Alors, osons crier !
Les nobles et les magistrats ont osé se laisser remettre en question par Néhémie.
Ils ont remis leurs dettes à ceux qui ont osé crier.
Ils sont repartis sur de nouvelles bases
Tout le peuple répond : "Amen" (v13)
Petit étonnement
Il y a un élément dans ce texte qui m'a étonné.
Si l'on en croit une étude démographique menée en 1999, la population de la Judée dans les années 450 BCE (notre texte serait des années 455), aurait été d'environ 17'000 habitants.
En étudiant les quantités de nourriture utilisée chaque jour (v17s), il aurait été possible de nourrir toute la population de la Judée. Et donc d'éviter la crise.
D'ailleurs aujourd'hui, nous sommes dans la même situation : la quantité de nourriture produite sur terre, suffirait largement à nourrir toute la planète !
Un dernier point avant de conclure concernant les murs de la ville.
Murs
Ils peuvent être une sécurité, et ils peuvent tout aussi bien être un enfermement.
De plus, ce récit nous montre que les murs ne nous protègent pas de la division. Contre la division, il n'y a que la "crainte de Dieu" qui soit efficace, qui soit le liant de la communauté.
Cette crainte de Dieu, se profond respect de ses lois était le seul moyen vraiment efficace pour être digne d'être appelé "peuple de Dieu".
Ce qui se vivait à l'intérieur des murs était connu à l'extérieur. Pour éviter la honte de la part de leurs ennemis, Néhémie a entrepris de remettre en question les puissants de la ville, de la contrée. Sans la crainte de Dieu, il n'y a pas de justice. Pour diriger dignement la ville, il faut ce profond respect.
Paul, après l'an 70, date de la destruction du second temple, utilisera la notion de corps pour désigner la communauté ou l'Eglise toute entière.
Si Néhémie 5 nous appelle à un comportement entre nous, digne d'un profond respect pour Dieu,
l'Evangile, lui, nous appelle en plus au respect pour son frère ou sa sœur.
Aimer l'autre comme soi-même
Nous sommes dans la même communauté, dans les mêmes murs, dans le même corps et nous avons à nous écouter, à nous porter les uns les autres et tout cela, j'en suis convaincu nous le faisons sans problème.
Interrogation
Mais où je voudrais vous interroger ce matin, nous interroger en tant que communauté, et je m'inclus entièrement dans ce questionnement : est-ce que j'ose crier ?
Qui ose crier quand ça ne va pas dans sa vie ? (lever la main)
Est-ce que nous avons honte de crier ?
Dans notre passage de Néhémie 5, ce ne sont pas ceux qui ont crié qui étaient honteux, mais ceux qui les opprimaient.
Il n'y a aucune honte à passer par un temps difficile.
Mais il peut y avoir de lourde conséquence à ne pas oser le dire.
· Soit de la rancune, car personne n'a rien fait pour moi
· Soit une rupture pour trouver ailleurs une solution
· De l'incompréhension de la part des autres. Qu'est-ce qui lui arrive ?
Notre vie n'est pas toujours un long fleuve tranquille…
Appel
Un peu comme Néhémie a osé le faire, j'aurais voulu ce matin vous inviter à un engagement solennel, entre vous et Dieu :
"Si quelque chose ne va pas dans ma vie, je m'engage, envers toi Seigneur Jésus, à me laisser conduire par ton Saint-Esprit, pour oser crier, à Dieu le Père, mais aussi à mes frères et sœurs, ma situation, afin qu'ensemble nous puissions nous porter les uns les autres et ne pas être dans la honte qui peut être
· un scrupule de conscience,
· crainte du ridicule,
· modestie exagérée,
· ou encore juste de la gêne.
C'est trop petit pour déranger Dieu et les autres …
Il n'y a pas de trop petite chose, ni de trop grandes pour notre Dieu et nous sommes tous humains, tous de la même pâte.
Une petite remarque : ayons de la sagesse et discernons à qui nous parler. En cas de doute, adressez-vous à un Ancien par exemple pour commencer …
Ce qui nous met dans la honte, c'est de ne pas nous supporter les uns les autres !
Mais pour pouvoir le faire,
· encore faut-il le savoir …
· encore faut-il avoir osé crier !
Amen …