Jeudi 4e sem. T.O. impair - 4 février 2021

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Depuis le début du temps ordinaire, nous suivons Jésus en Galilée, entre son village natal et les bords du lac de Tibériade, où il accomplit son ministère public. Les premiers à le suivre, pourtant, ce sont ses disciples, et parmi eux les Douze. Pour l’instant, nous l’avons entendu au fil des messes, les amis les plus proches de Jésus n’ont pas compris grand-chose de lui et nous les voyons souvent en mauvaise posture dans les difficultés qui surviennent avec les éléments naturels ou bien les scribes, les pharisiens et les familiers de Jésus. En fait, il me semble que les premiers pas de Jésus dans son ministère correspondent à une sorte de propédeutique pour les disciples… et pour nous qui voulons nous mettre à la suite du Christ.
Le passage d’Évangile nous donne plusieurs éléments (sept, rassurez-vous, et non pas douze) allant dans ce sens.
1/ Marc parle des Douze et non pas des Apôtres comme Matthieu ou Luc. Il nous rappelle ainsi que Jésus, en choisissant ces douze hommes, s’inscrit dans l’héritage d’Israël et des douze tribus. Aujourd’hui encore, nous sommes intimement liés au judaïsme et la récente déclaration du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France contre l’antijudaïsme et l’antisémitisme réaffirme avec force que Jésus n’abolit l’Alliance entre Dieu et son peuple mais la renouvelle et l’accomplit.
2/ Entre le chapitre 3, où Jésus appelle les Douze, et le chapitre 6, où il les envoie en mission, que s’est-il passé ? Jésus enseigne (avec des paraboles), Jésus lutte contre les esprits impurs et guérit les malades. Mais juste après l’appel des Douze et avant leur envoi en mission, Marc signale l’opposition de la famille de Jésus (« Il a perdu la tête. » Mc 3,21) et des gens de Nazareth (« Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. » Mc 6,4). Finalement, voilà le programme de vie des Douze… et de ceux qui ont été appelés par Dieu à continuer la tâche des Apôtres.
3/ Jésus envoie les Douze deux par deux (6 paires d’envoyés) alors que lui-même agit seul. Les Pères de l’Église parlant du Fils et de l’Esprit Saint parle des deux mains du Père (cf. saint Irénée) : Jésus n’est jamais seul dans sa mission, l’Esprit agit par lui, avec lui et en lui. Outre des raisons anthropologiques (sécurité, complémentarité, humilité…), nous avons là une raison théologique de cet envoi par deux : la mission chrétienne a dans son ADN quelque chose de la communion trinitaire.
4/ Contrairement à ce que Matthieu rapporte, Marc nous dit que Jésus demande au Douze de mettre des sandales, dans la perspective d’une longue route. Mais il leur enjoint de ne pas prendre de tunique de rechange. Jésus serait-il peu soucieux de l’hygiène corporelle de ces disciples ? Mais non ! Pour lui, la longue route ne peut s’effectuer que dans la confiance en la providence de Dieu et en la générosité des gens. Soit dit en passant, nous avons là une preuve que tous les disciples de Jésus n’ont pas la vocation d’apôtres. En effet, il faut bien des gens pour accueillir les missionnaires itinérants et leur prêter des tuniques propres...
5/ Quand Jésus dit aux Douze de secouer la poussière de leurs pieds devant les habitants refusant de les accueillir et de les écouter, il parle d’un geste très fort. Dans le monde antique, il s’agit d’un geste de rupture : on n’emporte avec soi rien d’un endroit jugé indigne. Ici le geste a la valeur d’un témoignage juridique signifiant que les Douze ne doivent rien à ceux qui ne veulent pas avoir part avec l’Évangile. Mais tout de même, le caractère spectaculaire de ce geste (pour ne pas dire sa grandiloquence) ne vise-t-il pas une prise de conscience pour une conversion ultérieure ? Il me semble que dans toute parole forte des chrétiens - je pense en particulier aux débats sur la révision des lois de bioéthique - la fermeté doit tooujours viser la miséricorde.
6/ Au coeur de la mission des Douze se trouve l’essentiel de la mission de Jésus : une part d’enseignement, une part de lutte contre le mal et la souffrance. Or cette mission peut susciter autant l’enthousiasme que le rejet. Une grande tentation, pour tous les disciples du Christ, est de rêver qu’en nous adaptant au monde nous serions mieux compris. Mais l’opposition à l’Évangile n’est pas qu’une méconnaissance de sa valeur, comme l’indiquait Antoine dans son homélie lundi matin : l’homme est malheureusement capable de refuser ce qui est bon pour lui, par orgueil.
7/ Tout au long de ces chapitres où Jésus façonne le style apostolique, nous est montré que la suite du Christ (la Sequela Christi des Anciens) n’est ni évidente ni de tout repos. Il faut du temps, parfois beaucoup de temps, pour faire un coeur d’apôtre - et même si le temps du séminaire est loin derrière nous, il nous reste encore beaucoup à apprendre. Nous savons bien que l’apprentissage des Douze n’est pas fini et, bien que Jésus les envoie déjà en mission, c’est après la Résurrection que les Apôtres deviendront apôtres.
Alors, chers frères et soeurs, nous qui collaborons à la charge des successeurs des Douze, demandons au Seigneur de marcher à sa suite sans crainte de nos imperfections mais dans la foi en sa miséricorde à notre égard et à l’égard des hommes, qu’il aime. Amen.
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